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Ms A 79r

sachet où mes voeux sont renfermés.

Je n'attache pas d'importance à mes rêves, d'ailleurs j'en ai rarement de symboliques et je me demande même comment il se fait que pensant toute la journée au Bon Dieu, je ne m'en occupe pas davantage pendant mon sommeil... ordinairement je rêve les bois, les fleurs, les ruisseaux et la mer et presque toujours, je vois de jolis petits enfants, j'attrape des papillons et des oiseaux comme jamais je n'en ai vus. Vous voyez, ma Mère, que si mes rêves ont une apparence poétique, ils sont loin d'être mystiques... Une nuit après la mort de Mère Geneviève j'en fis un plus consolant : je rêvai qu'elle faisait son testament, donnant à chaque soeur une chose qui lui avait appartenu ; quand vint mon tour, je croyais ne rien recevoir, car il ne lui restait plus rien, mais se soulevant elle me dit par trois fois avec un accent pénétrant : «A vous, je laisse mon coeur.»

Un mois après le départ de notre Sainte Mère, l'influenza se déclara dans la communauté, j'étais seule debout avec deux autres soeurs, jamais je ne pourrai dire tout ce que j'ai vu, ce que m'a paru la vie et tout ce qui passe...

Le jour de mes 19 ans fut fêté par une mort, bientôt suivie de deux autres. A cette époque j'étais seule à la sacristie, ma première d'emploi étant très gravement malade, c'était moi qui devais préparer les enterrements, ouvrir les grilles du choeur à la messe, etc. Le Bon Dieu m'a donné bien des grâces de force à ce moment, je me demande maintenant comment j'ai pu faire sans frayeur tout ce que j'ai fait ; la mort régnait partout, les plus malades étaient soignées par celles qui se traînaient à peine, aussitôt qu'une soeur avait rendu le dernier soupir on était obligé de la laisser seule. Un matin en me levant, j'eus le pressentiment que Sr Madeleine était morte ; le dortoir était dans l'obscurité, personne ne sortait des cellules, enfin je me décidai